Problème à Cité Soleil. 21 mars 2020.

Message du directeur de l’école Fraternité à Cité Soleil. Aujourd’hui 21 mars.
« Bonsoir Madame Annie,
Nous avons un problème, ici, à Cité Soleil. Il y a la guerre depuis 2 jours. Les bandits ont chassé tous les habitants de la zone, ils ont dû quitter leurs maisons et beaucoup dorment à la belle étoile.
Beaucoup d’entre eux se sont réfugiés dans les écoles, qui étaient fermées à cause du corona virus. Il y a quarante personnes réfugiées dans notre école avec des enfants.
La situation est très difficile ici à Cité soleil. En plus du Corona cela vient encore compliquer les choses pour nous. Je vais vous envoyer quelques photos. »

Commentaire :
La guerre des gangs n’est pas terminée à Cité Soleil. C’est le plus grand et le plus pauvre des bidonvilles du continent américain. Ils s’entretuent avec des armes lourdes, et grâce aux trafics divers, aux compromissions et aux corruptions, aux manipulations de diverses puissances de l’ombre, ils sont beaucoup mieux armés que la police ou l’armée et n’hésitent à perpétrer des massacres pour faire régner la terreur.
N’avons-nous pas vu, il y a peu, l’armée se confronter à la police et se tirer dessus mutuellement ? Les habitations sont si fragiles, dans les bidonvilles, que les balles traversent les maisons et que les habitants sont obligés de fuir pour sauver leur vie et celle de leurs enfants. Les gangs les chassent pour s’approprier le peu qu’ils possèdent.

La menace de l’épidémie, qui logiquement n’épargnera pas plus Haïti que les autres pays, crée une atmosphère terriblement angoissante.
Comment les habitants, qui survivent, dans les quartiers très pauvres du pays, dans des conditions d’hygiène déplorable, dans la promiscuité, pourraient- ils se prémunir contre l’infection ? (voir notre article : « La vie à Cité Soleil »)
Comment des gens qui ont, en temps ordinaire, le plus grand mal à trouver chaque jour de quoi se nourrir et nourrir leurs enfants, pourraient-ils faire des provisions ?
Comment pourrait-on demander aux habitants de rester confinés alors que le peu d’eau potable, par exemple, qu’ils achètent en bonbonnes chaque jour, manquerait aussitôt et qui sans les petits marchés du commerce informel, manqueraient aussitôt de nourriture ?
Comment des hôpitaux, qui manquent de tout, pourraient-ils prendre en charge des patients qui nécessitent des réanimations, alors que les gens attendent dès 4 heures du matin, devant les établissements, qu’on les prenne en charge ? Les malades doivent payer des médicaments hors de prix et souvent frelatés, et finalement finissent, si les cas sont graves, pour certains d’entre eux, par mourir dans les couloirs, comme au temps du Choléra ?
En plus, il est fort possible que la menace de l’infection génère des conduites irrationnelles et de nouvelles violences, comme cela a été le cas dans le nord Est du pays, il y a quelques jours. (voir notre article sur le Corona virus en Haïti dans les nouvelles brèves).
Quand nous connaissons la situation de ces gens, nous pouvons largement relativiser celle des pays riches où nous vivons.
Si vous pouvez aider ces enfants, merci de votre geste.
Bon courage à tous.