Noël dans les écoles Enfants-Soleil d’Haïti.

par Gérard

Noël dans les écoles Enfants-Soleil. Réflexion sur les parrainages.
La fête, oui, mais…
Lorsque je regarde ces photos, envoyées par le docteur Ostene, qui organise avec les directeurs et les professeurs les petites festivités de Noël dans les écoles, je ne ressens pas la joie des enfants, je ne suis pas heureux de ce que nous faisons. Nous devrions pourtant nous réjouir que nos petits aient un repas amélioré en ce jour de fête. Ils ont droit à un plat avec du riz, un morceau de poulet, un bouillon à la viande, un dessert qui n’est que des petits gâteaux secs de qualité médiocre, importés de République Dominicaine ou des USA.
Si l’on donnait à l’un de nos enfants ce repas, dans une cantine, un jour « normal » , je pense, les connaissant bien, qu’ils s’en plaindraient, et que les parents feraient des remarques sur sa qualité médiocre, le peu de calories… alors, à Noël, n’en parlons pas ! Pour nos enfants de là-bas, c’est du luxe !
Images 1 et 2. Les repas de Noël des enfants, à Verrettes et à Cité Soleil.
C’est un instant important pour tous.

Je me souviens de ce qu’ils ont d’habitude : la plupart du temps un repas sans viande, avec tout juste le minimum pour survivre. Beaucoup de riz pour « caler », des bananes plantin cuites à l’eau ou à l’huile, parfois des miettes de hareng en boîtes. Jamais de salade (à cause des bactéries dans l’eau), jamais de dessert : il n’y a pas de dessert en Haïti, sauf dans les restaurants pour riches, jamais de fruits, ils sont chers en ville et les gens ont perdu l’habitude d’en manger quand ils ont quitté la campagne. Et ce repas minimal, ils ne l’ont que trois jours par semaine, parfois deux seulement... Pourtant, c’est le seul, pour certains, de la journée.
En ce jour de Noël, aussi, ils peuvent emporter un peu pour la famille, pour les petits frères et les petites sœurs qui n’ont rien dans leur école. Même s’ils ont peu, ils partagent. Quelquefois même, à la cantine, ils gardent un peu de nourriture pour les plus petits qui ne vont pas encore à l’école.
Ce n’est pas normal ! Ce n’est pas bien ! Et pourtant il faut se dire que ces enfants sont un peu favorisés par rapport à beaucoup d’autres. En Haïti, bien sûr, mais aussi dans tellement de pays du monde !
Je ne dirai pas comment ils vivent à Cité Soleil et dans les autres bidonvilles, en dehors de l’école, je ne dirai pas leurs conditions pour étudier, « à la maison »,( la seule voie possible pour s’en sortir). Tout cela nous le savons. Ceux qui ne l’ont pas vu et qui le devinent seulement, ceux-là sont en deçà de la réalité. On ne peut guère imaginer.
Elle est triste, cette réalité, elle nous arrache l’âme. Même ces images, qui montrent le meilleur, mais qui en disent beaucoup, je n’arrive pas à m’en réjouir. Trop de misère derrière elles, trop de souffrance au quotidien.
Les parrainages aident les enfants et les familles. Parrains et marraines nous apportent leur soutien, parfois depuis très longtemps. Cette solidarité nous en avons tant besoin !
Nous ne pouvons plus, comme nous le faisons chaque année, organiser de voyages à la mer. C’était un jour exceptionnel pour les enfants qui ne quittent jamais leur bidonville, ou leur cabane et leur lopin de terre, à la campagne, quand les parents possèdent quelque chose..
Vous le savez, Cité Soleil est construit sur des tas d’ordures qui depuis des années se sont amoncelés au bord de la mer. La mer, on ne la voit plus : elle est recouverte par les nouvelles ordures descendues par de grands égouts à ciel ouvert, de toutes les hauteurs de la ville. La mer, à Cité Soleil, est dessous, sous les ordures et les constructions précaires. Ils n’ont jamais vu la mer, ne se sont jamais baignés. Et tout cela avance au rythme des arrivées d’ordures. C’est là que les enfants « rentrent chez eux » quand ils quittent l’école.
Avant la nuit, car dès qu’il fait noir, plus personne ne sort à Cité Soleil. Mais c’est la même chose à Verrettes ou à Ouanminthe : la nuit n’est pas sûre. C’est trop dangereux. Nous l’avons déjà dit, tout cela. Souvent. Malheureusement.

Images 3 et 4. Les enfants reçoivent de petits cadeaux. Nous avons des difficultés à envoyer des colis par containers, c’est très cher. Nous les transportons lors de nos voyages.
Il y a aussi un sac pour les enfants qui ne sont pas à l’école. Il faut partager.
La cantine, si difficile à financer, d’autant que l’Euro baisse et que nous sommes pénalisés, est vraiment l’essentiel. Nous ne pouvons accepter que des enfants aient faim en permanence. Il y a aussi un repas pour les professeurs, qu’il ne faut pas oublier. Ils sont très mal payés, et souvent ont les mêmes difficultés que leurs élèves.
Image 5.

Parrainages.
Pour les enfants parrainés qui sont grands, que nous avons du mal à suivre ou qui ont moins besoin, parce qu’ils ne sont plus scolarisés, nous proposons aux parrains de changer leur option pour un parrainage « action », qui nous donne plus de possibilités pour les cantines et les écoles. Il faut payer les professeurs, il faut du matériel, des livres des cahiers, des crayons…
Nous sommes en train de réfléchir sur l’idée de demander aux marraines et parrains d’enfants qui sont âgés (plus de 20 ans) et qui travaillent ou ne suivent pas d’études longues, d’adopter cette formule. Lorsque nous partageons l’argent des parrainages entre écolage et cantines pour une partie et l’autre partie pour la famille, nous avons du mal à savoir exactement ce qui est fait de cette dernière partie. Si tout est consacré à la cantine et à l’éducation, nous pouvons évidemment suivre au centime près l’utilisation. Mais il faut étudier chaque cas de très près. Le parrainage « Action » est un parrainage qui ne désigne pas nommément un enfant mais qui sert à tous à travers les cantines et l’éducation. A l’école Fraternité, à peine 10% des enfants peuvent payer les frais de scolarité…
Il y a d’autres raisons : les courriers de beaucoup d’enfants sont, depuis des années parfois, les mêmes lettres, stéréotypées, avec les mêmes formules recopiées…écrites collectivement ; cependant, certains parrains reçoivent des lettres intéressantes, parfois très belles, attachantes et ont pu nouer des liens avec les enfants. Cela, il faut le conserver précieusement.
D’autre part, ces lettres qui arrivent d’Haïti grèvent une partie de notre budget, (envois depuis Haïti, envois en France) mobilisent nos collaborateurs sur place, font dépenser de l’essence pour aller voir des familles qui habitent loin pour remettre les enveloppes, et les obligent parfois à se déplacer avec beaucoup d’argent liquide. (240 timbres par mois, c’est 170 € : c’est donc 170 repas au moins…)
Annie et Marie Agnès, qui trient les courriers, les envoient, y passent beaucoup de temps aussi , qui pourrait être employé ailleurs.
Ceci permettrait aussi d’aider ponctuellement des enfants qui tombent malades ou dont les familles ont des problèmes graves. Avec les parrainages « actions », le partage est plus équitable. Il n’y a plus certains enfants qui ont, et d’autres qui n’ont rien.
Si une petite partie des parrains (environ 40 sur les 240) faisaient un parrainage action, nous pourrions assurer la cantine tous les jours dans les écoles. Je vous soumets cette réflexion. Quelques-uns ont déjà choisi cette solution. Il y en a peut-être d’autres. Pour les nouveaux parrains, nous les engageons à choisir ce type d’aide. Avec les déductions fiscales, un parrainage de 25 € par mois ne revient qu’à 8 € 50. C’est vraiment peu, et avec cela, ce sont des vies qui sont sauvées, car un enfant mal nourri, c’est toute sa vie qui est engagée.