Les pays pauvres et la crise

(actualisé le ) par Gérard

Les pays pauvres ont ainsi dû réduire radicalement leurs dépenses en matière d’éducation, de santé, d’agriculture et de protection sociale. Au moment où il aurait fallu investir massivement dans les services sociaux pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement avant 2015, ces pays n’arrivent même pas à faire face aux dépenses sociales nécessaires face à la crise économique, qui plonge des millions de personnes dans une situation de pauvreté extrême.A consulter :
Un regard du Cetri.
Un modèle de développement anti-paysans

Les pays pauvres, principales victimes d’une crise qu’ils n’ont pas causée (Sources OCDE)
2009, année noire pour les pays pauvres : avec la crise, 100 millions de personnes supplémentaires sont tombées dans l’extrême pauvreté tandis que 30 000 enfants supplémentaires sont morts en Afrique subsaharienne. La croissance a été divisée par 4 en deux ans.
Chômage, croissance en berne, déficits publics abyssaux… La crise frappe l’Europe, certes, mais elle risque d’avoir des conséquences bien plus dramatiques pour les pays pauvres. Ils mettront de nombreuses années à se reconstruire. On estime que plus de 100 millions de personnes sont tombées dans l’extrême pauvreté dans le monde. Un rapport du Parlement européen demande une augmentation de l’aide au développement.
« Pour le monde développé, la crise sera synonyme de petit accroc transitoire, tant en intensité qu’en durée. En revanche, pour bon nombre de pays en développement, elle menace [d’anéantir] toute une décennie de lutte contre la pauvreté et l’exclusion ». Le constat dressé par le rapport de l’Espagnol Enrique Guerrero Salom (Socialistes et démocrates) fait froid dans le dos. Il pointe une réalité qu’on oublie souvent, trop préoccupés par le ralentissement économique des pays déjà riches.

Lorsque la crise financière a frappé le monde, certains ont cru que les pays pauvres, peu intégrés dans le système financier mondial, ne seraient pas touchés. Mais la crise s’est étendue à l’économie et au social. Et les pays en voie de développement en sont devenus les premières victimes.

Des chiffres terrifiants

Les chiffres sont éloquents. La croissance des pays en développement a été divisée par quatre entre 2007 (7,9 %) et 2009 (2,1 %). Le prix des matières premières, source de revenus importants pour ces pays, a chuté de 20 %. Les flux de capitaux sont passés de 1 000 à 600 milliards de dollars, l’aide au développement est inférieure de 22 milliards à ce qui avait été promis.

Les pays pauvres se trouvent ainsi dans une situation intenable. Leur dette publique a augmenté de 2 % alors que les prêts des institutions financières mondiales s’adressent en premier lieu aux économies développées. Seul 1,6 % des prêts du Fonds monétaire international ont ainsi été alloués à des Etats africains. Dans le même temps, les besoins en financement devraient s’élever à 315 milliards de dollars en 2010 - 11 milliards manqueront notamment pour des dépenses essentielles comme l’éducation, la santé, les infrastructures et la protection sociale.

Les conséquences sont directes et dramatiques pour les populations. On considère que 100 millions de nouvelles personnes ont rejoint le milliard d’êtres humains en situation d’extrême pauvreté. En Afrique subsaharienne, ce sont entre 30 et 50 000 enfants supplémentaires qui sont décédés des suites de la crise.
Du fait de la crise, l’aide budgétaire des pays riches aux pays pauvres a reculé de 4% en valeur réelle en 2012, après avoir baissé de 2% en 2011, a fait savoir mercredi l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE).
Crise oblige, les pays riches donnent de moins aux pays pauvres. C’est le constat dressé par l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) dans un rapport rendu public mercredi. La poursuite de la crise économique et financière et les turbulences de la zone euro ont en effet conduit nombre d’Etats à donner un tour de vis budgétaire, ce qui a eu un impact direct sur l’aide versée aux pays en développement.
Le continent africain est le plus touché
Selon l’organisation basée à Paris, l’aide budgétaire des pays riches aux pays pauvres a reculé de 4% en valeur réelle en 2012, après avoir baissé de 2% en 2011. L’OCDE observe en outre un redéploiement notable des pays les plus pauvres vers les pays à revenu intermédiaire.
L’aide au continent africain a ainsi été réduite de 9,9% et ramenée à 28,9 milliards de dollars après une année 2011 marquée par un soutien exceptionnel accordé à certains pays d’Afrique du Nord à la suite du "printemps arabe". Le groupe des pays les moins avancés a aussi vu les apports nets d’aide bilatérale qui lui étaient destinés accuser un repli de 12,8% en termes réels et tomber à 26 milliards de dollars.
Le pire repli depuis 1997
Le secrétaire général de l’organisation, Angel Gurría, se dit préoccupé par cette tendance. "A mesure que se rapproche l’échéance de 2015 fixée pour la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement, je forme le voeu que la tendance au redéploiement de l’aide, qui se fait au détriment des pays les plus pauvres, va s’inverser", déclare-t-il, selon un communiqué de l’OCDE.
En 2012, l’aide publique au développement (APD) versée par les membres du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE a atteint 125,6 milliards de dollars, soit 0,29% de leur revenu national brut (RNB) cumulé. L’APD a reculé de 4% en valeur réelle par rapport à 2011. Depuis 2010, année où elle a atteint son niveau record, elle a baissé de 6% en valeur réelle. "Si l’on fait abstraction de 2007, qui correspond à la fin des opérations exceptionnelles d’allègement de la dette, le repli observé en 2012 est le plus marqué depuis 1997", souligne l’OCDE. "C’est aussi la première fois depuis 1996-1997 que l’aide se contracte pendant deux années successives."
Sans surprise, les PIGS donnent beaucoup moins
Les donneurs les plus généreux en volume ont été les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France et le Japon. Mais leur contribution a néanmoins été respectivement en baisse de 2,8%, 2,2%, 0,7%, 1,6% et 2,1% en termes réels. De leur côté, le Danemark (-1,8%), le Luxembourg (+9,8%), les Pays-Bas (-6,6%), la Norvège (+0,4%) et la Suède (-3,4%) ont à nouveau dépassé l’objectif de 0,7% du RNB fixé par l’ONU.
Neuf pays ont enregistré une hausse de leurs apports nets d’APD en termes réels, dont, outre le Luxembourg et la Norvège, l’Australie, l’Autriche, la Corée du Sud et l’Islande. Pour 15 pays, la tendance a été inverse. Les baisses les plus prononcées ont été observées en Espagne (-49,7%), en Italie (-34,7%), en Grèce (-17%) et au Portugal (-13,1%), qui ont été les plus durement touchés par la crise de la zone euro. L’OCDE s’attend cependant à un "redressement modeste" des niveaux d’aide en 2013.

Une « taxe Tobin » pour financer le développement ?

Dans ce contexte, l’Union européenne a un rôle à jouer : elle est à l’origine de 60 % de l’aide au développement dans le monde. Le rapport d’Enrique Guerrero Salom, qui devrait être présenté en session plénière ce mercredi soir et voté jeudi, appelle à une réponse forte et rapide du monde développé, qui devra être suivi par une action sur le long terme.

Les députés européens demandent ainsi aux Etats membres de l’Union européenne d’augmenter les montants qu’ils consacrent à l’aide au développement. Ils se sont en effet engagés à y consacrer 0,56 % de leur Revenu national brut en 2010 et 0,7 % en 2015. En attendant, ils n’en sont qu’à 0,4 %.

Dans le contexte de la crise, il est en effet difficile de débloquer des budgets supplémentaires. C’est pour cela que les députés européens proposent la mise en place d’une « taxe Tobin » sur les transactions financières, dont les revenus seraient dédiés à l’aide au développement. De même, ils estiment que 25 % des recettes tirées de la mise en vente des quotas d’émissions de CO2 devraient aller à la lutte contre le changement climatique dans les pays en développement.

Enfin, les parlementaires souhaitent « une meilleure représentation des pays en développement dans les forums de décision » tels que le G20. Reste à espérer que leur voix sera entendue.
La crise financière de 2008, née du système financier des pays riches, a des effets désastreux dans les pays pauvres, en même temps que les pays riches. Dans un rapport, Oxfam révèle que la crise financière a créé un énorme gouffre financier de 65 milliards de dollars dans 56 pays à faible revenu, dont un tiers seulement a été comblé par l’aide de la communauté internationale.
Les pays pauvres ont ainsi dû réduire radicalement leurs dépenses en matière d’éducation, de santé, d’agriculture et de protection sociale.
Au moment où il aurait fallu investir massivement dans les services sociaux pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement avant 2015, ces pays n’arrivent même pas à faire face aux dépenses sociales nécessaires face à la crise économique, qui plonge des millions de personnes dans une situation de pauvreté extrême.
Entre 2009 et 2010, la crise a créé un énorme "trou fiscal", soit un déficit de 65 milliards de dollars dans les revenus budgétaires des pays à faible revenu. En comparaison avec les chiffres de 2008, la crise financière a réduit les revenus des pays étudiés de plus de 52 milliards de dollars en 2009, auxquels s’ajoutent plus de 12 milliards de dollars perdus en 2010 Ainsi, les revenus des pays pauvres ont diminué de 60% en 2009. Pour près de la moitié des pays analysés, les niveaux des revenus seront toujours en dessous des niveaux de 2008 d’ici la fin de l’année 2010.
Pour les plus pauvres, l’impact de la crise dépend de la manière dont les gouvernements réagissent. Après avoir opéré des relances budgétaires pour combattre la crise, la majeure partie des pays à faible revenu a été contrainte de réduire les budgets alloués à un ou plusieurs secteurs sociaux prioritaires (éducation, santé, agriculture) entre 2009 et 2010.
L’éducation et la protection sociale sont les secteurs les plus fortement touchés, avec des dépenses en 2010 inférieures à celles de 2008. Le Burkina Faso et le Cameroun ont tous deux réduit leurs dépenses dans l’éducation et la santé ; au Sierra Leone et en Zambie c’est l’éducation qui est particulièrement touchée par ces coupes budgétaires ; enfin en Guinée-Bissau c’est le secteur de santé qui est le plus concerné. En 2010 pour les 56 pays, les budgets ont été réduits de 0,2 % du PIB en moyenne.
Par ailleurs suite à la chute des recettes provenant de l’imposition des revenus des entreprises et des ménages ou des taxes douanières, les pays ont dû augmenter les taxes indirectes sur la consommation, comme la TVA. Ces taxes frappent pourtant plus durement les pauvres qui les paient au même tarif que les plus riches. Par conséquent les plus pauvres pourraient être doublement victimes de la crise : ils sont à la fois victimes des coupes budgétaires dans les secteurs vitaux et de l’augmentation des impôts.

De leur côté, les pays riches n’apportent pas l’aide nécessaire pour empêcher ces réductions budgétaires. En dépit des promesses du G20 et des pays donateurs qui s’étaient engagés à aider les pays pauvres à surmonter la crise, la communauté internationale a fourni seulement 8,2 milliards de dollars de subventions additionnelles en 2009 et 2010 ; bien en-dessous des sommes nécessaires pour combler le gouffre financier de 65 milliards de dollars, colmatant seulement 13% du trou fiscal. En 2010, seulement un tiers des pays étudiés devraient bénéficier d’une augmentation de subventions. Parce que la communauté internationale a réagi trop lentement à la crise et avec trop peu de moyens financiers, les trois quarts des pays à faible revenu ont dû avoir recours à des emprunts domestiques coûteux pour financer leurs dépenses en 2009. Cette situation exacerbe les risques d’endettement extérieur, mais surtout intérieur pour ces pays.

Voir en ligne : Un modèle de développement anti paysans